Florennes et le chemin de fer

Auteur : Roland Marganne
Source : GTF asbl

Aujourd'hui, en ce début de XXIVe siècle, le groupe SNCB reste présent dans l'Entre-Sambre-et-Meuse
grâce une seule ligne nord-sud, la « 132-134 «, qui relie Charleroi-Sud et Couvin par Walcourt, Philippeville et Mariembourg.

Concurrente toute désignée de la très encombrée route axiale Charleroi - Couvin, cette ligne subit depuis quelques années une cure de jouvence afin d'offrir à ses riverains une alternative crédible à leur voiture : renouvellement de l'infrastructure, reprise des ouvrages d'art, rénovation des gares et points d'arrêt, optimisation de la vitesse de référence à 120 km/h partout où c'est possible, et engagement des nouveaux autorails diesel série 41 dans des horaires mieux adaptés aux besoins des voyageurs - et notamment des navetteurs.

Son trafic fret est par ailleurs en pleine renaissance grâce au transport de pierres calcaires, fourni par la carrière les Petons (groupe Solvay) d'Yves-Gomezée, près de Walcourt. Celui-ci nécessite la mise en ligne quotidienne, confiée à B-Cargo, d'un train complet de 1 700 tonnes à destination de Millingen, près de Duisbourg en Allemagne : à l'heure de l'Europe sans frontières, la traction en est assurée de bout en bout par deux locomotives SNCB série 77...

Et l'ancienne cité comtale et fortifiée de Florennes dans tout cela ?
En fait, la dernière ligne de chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse passe aujourd'hui à une petite dizaine de kilomètres à l'ouest de Florennes, en fait depuis sa déviation par Philippeville en septembre 1970. On rappellera utilement que, à la suite de la création du complexe des barrages de l'Eau d'Heure, le tracé « historique » de la ligne Walcourt - Mariembourg, par Silenrieux et Cerfontaine, a dû être abandonné au profit d'un nouvel itinéraire : celui-ci reprend le site de l'ancienne ligne de chemin de fer Walcourt - Florennes jusqu'à Saint-Lambert, puis une courbe en site neuf afin de rejoindre l'ancienne ligne ferrée Florennes - Philippeville - Senzeilles, abandonnée à Neuville pour rejoindre la ligne « historique » vers Mariembourg...

Nous y voici... Florennes fut, au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle, un noeud ferroviaire très important, qui nécessita l'implantation de pas moins de quatre gares sur son territoire!

Pour comprendre cette inflation d'infrastructures, il faut rappeler que la région de Florennes, aujourd'hui orientée vers l'agriculture et les services, présentait jadis une autre physionomie économique.

Au début du XIXe siècle, à la veille de la révolution industriel-le, l'agglomération de Florennes cherchait à valoriser un sol calcaire et schisteux. Elle comptait des briqueteries, carrières de terre plastique, pierre à chaux, de sable et de silex, et des entreprises de produits réfractaires et de céramique, tout particulièrement
spécialisées dans les carreaux de revêtement et de pavement. Ainsi, la production de céramique de Morialmé, d'Hanzinne, voire d'Oret, au nord de Morialmé, était-elle célèbre dans la Belgique entière à une certaine époque. Le village de Morialmé comptait en outre des mines de fer, près desquelles des entrepreneurs avaient développé des hauts-fourneaux dès avant la Révolution française de 1789.

Le potentiel industriel de la région de Florennes n'échappa pas aux investisseurs : comme l'Entre-Sambre-et-Meuse ne disposait pas en son sein de cours d'eau navigables, ils proposèrent dès le début du XIXe siècle de relier la région au sillon Sambre-et-Meuse, par des canaux d'abord, des lignes de chemin de fer ensuite dès que cette nouvelle technologie fut mise au point en Angleterre. Ces initiatives furent soutenues notamment par les entrepreneurs carriers locaux : il tombait sous le sens que le transport de lourds blocs de pierre par chalands ou wagons de chemin de fer était plus compétitif que le service assuré par d'ancestrales charrettes tirées par les célèbres chevaux de trait ardennais, caracolant sur les routes de l'Entre-Sambre-et-Meuse, au profil en dents de scie. Ils étaient relayés dans leurs exigences par les maîtres de forge de l'Entre-Sambre-et-Meuse, ces propriétaires d' « usines à la campagne », qui, pendant la première moitié du XIXe siècle, tentaient de sauver une industrie sidérurgique locale encore basée sur l'utilisation du charbon de bois en les reconvertissant au coke, un dérivé de la houille, dont le sous-sol du bassin de Charleroi regorgeait à l'époque, et qu'il fallait transporter jusqu'à leurs établissements.

C'est finalement le chemin de fer qui s'imposa comme le moyen de transport le plus approprié à l'Entre Sambre-et-Meuse. Au hasard des concessions de voies ferrées obtenues, à une époque où l'initiative privée concurrençait le secteur public dans ce domaine, Florennes vit s'ériger sur son sol pas moins de quatre gares.
 
Au XIXe siècle, la région de Florennes présentait un tout autre aspect qu'aujourd'hui: mines de fer et carrières constituaient ses principales ressources.